Francés

 Traduction Estelle Martineau

 

 

Le pasduretour

 

À RAQUEL, qui me dit

un jour: “Quand

tu t’éloignes juste un instant,

le temps et moinouspleurons”.

 

Je suisceluiquis’enfûtil y a un an de saterre

Cherchant des lointains de vie et de mort

Son proprecœur et le cœur du monde

Quand le ventsifflait des entrailles

Dans un crépusculegéantsanssouvenirs

 

Guidé par monétoile

Avec la poitrinevide

Et les yeuxrivés sur les hauteurs

Je m’enfusversmondestin

 

Oh mes bonsamis

Me reconnaissez-vous?

J’aivécu une vie quinepeut se vivre

Maistoi, Poésie, tu nem’aspasabandonné un seulinstant

 

Oh mes amis je suislà

Voussavez bien ce que j’étais

Maispersonnenesais ce que je suis

Le ventm’afaitvent

L’ombrem’afaitombre

Et l’horizonm’afaithorizonprêt à tout

 

Le soir me fîtsoir

Et l’aube me fîtaube pour chante à nouveau

 

Oh poète ces formidables yeux

Cettefaçon de marcheravec une âmed’acier et une bonté de marbre

C’est celle de celui qui est arrivé à la fin du dernier chemin

Et qui revientpeut-être d’un autrepas

Je fais en marchant le bruit de la mort

Et si mes yeuxvousdisent

Combien de viesj’aivécues et combien de morts je suismort

Ilspourraientaussivousdire

Combien de vies je suismort et combien de mortsj’aivécues

 

Oh mesfantômes! Oh meschersspectres !

La nuit a semé de la nuitdans mes cheveux

Oùai-je été ? ? Par oùsuis-je passé ?

Maisceciétait absence ouétaitune plus grandeprésence ?

 

Quand les pierresentendent mes pas

Ellesressentent une tendresse qui leurélargit l’âme

Elles se font des signesfurtifs et parlent tout bas :

Voicique s’approche le bon ami

L’homme des distances

Quivient, fatigué de tant de mort sur l’épaule

De tant de vie dans la poitrine

Et qui chercheoùpasser la nuit

 

Et me voiciicidevantvospropresyeux

Et me voisicivêtu de lointains

Derrièresontrestéslesnoirsnuages

Les années de ténèbresdansl’antreoublié

J’apporte une âmelavée par le feu

Vous qui m’appelez sans savoir qui vousappelez

J’apporte un cristal sans ombre un cœur qui ne faiblitpas

L’image durien et un visage qui sourit

J’apporte un amour qui ressemble à l’univers

La poésie m’a dégagé le chemin

Maintenant il n’y a plus de banalitésdans ma vie

Qui guida mespas de manière si certaine?

 

Mesyeuxdisent à ceux qui sonttombés

Lancezcontremoi vos dards

Vengez vos angoisses sur moi

Vengez vos défaites sur moi

Je suisinvulnérable

J’aipris ma placedans le ciel comme le silence

 

Les siècles de la terre me tombentdans les bras

Je suis mes amis le voyageursans fin

Les ailes de l’énorme aventure

Battaient entre hivers et étés

Regardezcommes’élèvent les étoiles en monâme

Depuis que j’ai expulsé les serpents du tempsobscurci

 

Comment pourrons-nous nous comprendre?

Me voiciici de retour d’où l’on ne revientpas

Compassion des vagues et pitié des astres

Combien de tempsperdu ! C’estl’homme des lointains

Celui qui tournait les pages des morts

Sans temps sans espace sans cœur sans sang

Celui qui allait d’un côté à l’autre

Désespéré et seuldans les ténèbres

Seul dans le vide

Comme un chien qui aboievers le fond d’un abîme

 

Oh vous! Oh mesbonsamis!

Vous qui touchaientmes mains

Que touchiez-vous?

Et vous qui écoutiez ma voix

Qu’écoutiez-vous?

 

Et vous qui contemplaientmesyeux

Que contempliez-vous?

 

J’ai tout perdu et j’ai tout gagné

Et je ne demandemême pas

La part de la vie qui me correspond

Ni montagnes de feu nimerscultivées

C’esttellement plus ce que j’aiaigagné que ce que j’ai perdu

Ainsiest le voyage au bout du monde

Et ceci la couronne de sang de la grande expérience

La couronnecadeau de monétoile

Oùai-je été et oùsuis-je ?

 

Les arbrespleurent un oiseau chante inconsolable

Il dit « qui est mort ? »

Le vent me sanglote

« J’étaistellementinquiet ! »

Quelquesfleursexclamèrent

« Tu es encore vivant ?

Qui est le mortalors ? »

Leseauxgémissenttristement

« Qui est mort en cesterres ? »

Maintenant je sais ce que je suis et ce quej’étais

Je connais la distance qui va de l’homme à la vérité

Je connais le motquelesmortsaiment

C’est celui qui a pleuré le monde et qui a pleuréses

lueurs

 

Les larmesgonflent et se dilatent

Et commencent à tourner sur elles-mêmes

Et me voiciicidevantvous

Comment pourrons-nous nous comprendre Comment savoir ce que nous disons

Il y a tant de morts qui m’appellent

Làoù la terreperd son bruit

Làoùm’attendentmeschersfantômes

Meschersspectres

Regardez-moi je vousaimetantmais je suisétranger

« Qui s’en fût de sa terre

Sans mêmeconnaître la profondeur de son aventure ?

En déployant les ailes

Lui-même ne savaitpas quel serait son vol

 

Votretemps et votreespace

Ne sontpasmontemps et monespace

Qui est l’étranger ? Reconnaissez-vous sa démarche ?

C’est celui qui revientavec une saveur d’éternitédans la gorge

Avec une odeurd’oublidans les cheveux

Avec un son de veinesmystérieuses

Celuiquiest en train de pleurerl’univers

Qui a dépassé la mort et la rumeur de la junglesecrète

Je suis impalpable maintenantcommecertainesgraines

Que le vent-même qui lesemporte ne lesressentpas

Oh Poésienotrerègne ne faitquecommencer

 

Voicicelui qui s’endormitplusieurs fois

Dans un lieuoùilfautêtre en en alerte

Où les rochersinterdisent la parole

Làoù se confondent la mort et le chant de la mer

Maintenantj’apprends que je partischercher les clefs

Et les clefssontlà

Qui les avaitperdues ?

Combien de tempsfurent-elles perdues ?
Personnenetrouvait les clefs ni dans le temps ni dans les brouillards

Combien de sièclesperdues !

 

Au fond des tombes

Au fond des mers

Au fond du murmure des vents

Au fond du silence

Voici les signaux

Combientempsoubliés !

Maisalorsmonami, que vas-tu nousdire ?

Qui va te comprendre ? D’oùviens-tu ?

De quelleshauteurs et de quellesprofondeurs ?

Je me promenaisdansl’Histoirebrasdessus-dessousavec la mort

 

Oh monfrère, je ne te dirai rien

Quand tu auras touché ce que personnenepeuttoucher

Tu aimeras te taire encore plus que l’arbre

 

 

 

 

La poésie est un attentat céleste

 

Moi je suis absent mais dans le fond de cette absence

Il y a l’attente de moi-même

Et cette attente est une autre sorte de présence

L’attente de mon retour

Moi je suis dans d’autres objets

Je suis en voyage donnant un peu de ma vie

À certains arbres et à certaines pierres

 

Qui m’ont attendu de nombreuses années

Ils se sont fatigués de m’attendre et ils se sont assis

Moi je ne suis pas et je suis

Je suis absent et je suis présent dans un état d’attente

Eux voulaient mon langage pour s’exprimer

Et moi je voulais le leur pour les exprimer

Et voilà l’équivoque l’atroce équivoque

Angoissé lamentable

J’entre plus profondément dans ces plantes

Je laisse derrière moi peu à peu mes vêtement

Peu à peu tombent mes chaires

Et mon squelette peu à peu s’habille d’écorce

Je suis en train de devenir arbre Combien de fois je me suis

transformé en d’autres choses…

C’est douloureux et plein de tendresse

 

Je pourrais émettre un cri mais s’effraierait la

transsubstantiation

Il faut rester silencieux Attendre en silence

 

 

 

 

Le passager de son destin

 

I

 

C’est ainsi que nous sommes

Et comme nous nous promenons aujourd’hui sur la terre

Précédés par les bruits de nos ancêtres

Et suivis par la douleur de nos fils

Affairés à notre âge et chantant quand les rochers

pleurent la mort du voilier qu’ils ont préféré sans

aucune raison

Ou peut-être parce qu’ils l’ont vu joué dans son enfance

Ou parce qu’il était beau et rempli du vent venant

du pays du vent

Nous n’avons pas peur quand le vent arrache

les mots de notre gorge

Nous n’avons pas peur des baleines ni de tous ces

monstres qui ont plus d’envergure que

le son des cloches

Nous n’avons pas peur de nous pencher sur vos

chansons desquelles peut jaillir un geyser

terrifiant et le vertige infini des brumes

Nous n’avons pas peur de l’au-delà qui se meut comme un

muet l’au-delà qui va sauter sur notre raison

Et de ce froid lucide qui veille sur la constellation

de nos inquiétudes

Plus absurde que le mort qu’on a enterré avec la

moitié d’une lettre dans le cerveau

Avec un mot fabuleux à la moitié de la langue

Avec un grand visage entre deux raies

de larmes au fond des yeux

Ces yeux qui se convertiront en tendre galets

sur les chemins de l’au-delà

Tout est utile à la formation de la superficie

Dans l’intérêt du feu impatient au fond

de son antre

Et nous nous devons de noter son travail et louer sa loi

 

Il est tard dans tous les recoins du monde

Il est tard et le retard va se noyer dans la mer

Sans lâcher la barre de l’horizon

Parce que c’est lui l’unique chef et le garde secret

Lui peut lever le bras et libérer de la mort le

cadavre récent

Maintenant que tu trembles comme la mer

L’horizon va se noyer pour toujours

Maintenant que la forêt passe à l’ennemi

Lance-toi sur la mer

En séparant les vagues comme le cadavre sépare l’éternité

 

Homme toi tu vois que la mer se mélange et tu as peur

Toi tu pourrais bien sauter au-dessus de la conflagration

des mensonges unanimes

Envahir le terrain sidéral sans vaciller

Envahir les pays du fou qui te méprise et te regarde

comme une partie inférieure de son âme

Proclame ton importance à la tribu soumise qui

commence à apparaître au fond du ciel

 

 

II

 

La terre a de la fièvre à cause des chants séculiers

des oiseaux

C’est le réveil inutile de la tribu qui s’éveille à chaque pas

La mer lave ses vagues ses vagues qui doivent adoucir le monde

Et répartir ses caresses jusqu’à l’extrémité du territoire

Il est probable qu’ils aillent jusqu’à polir le ciel comme la proue d’un grand navire

Il se peut qu’ils vieillissent avant  les arbres obsédés

par des fantômes après minuit

Les arbres dépourvus de chance les arbres perdus comme le

grand-père qui tente de s’échapper de notre profondeur

Et faire des signes d’absence dans le vide

Nous voici devant le récit abrupt d’après la perdition

Nous voici devant l’habituelle malchance de celui qui ne peut arrêter les fleuves

Et doit pleurer ses morts comme les montagnes

En vain il voudrait fermer la mer

Demain l’écume émettra une pensée nouvelle

Fera des couronnes brillantes pour mon cœur qui est capable de

voguer comme vos meilleurs voiliers

La catastrophe mémorable fuit sans attendre le résultat

Sombre avec les voiles ouvertes dans les eaux antiques

Sans même regarder le roi à la dérive qui a oublié

les manœuvres d’urgence

J’ai vu comme personne surgir sous mes pieds la béante

solitude

J’ai ressenti dans mes yeux le sursautstellaire

Le peut-être identique aux lieux inconnus

Le lointainsanssolution

 

L’endroit de la hauteur où quelqu’un a laissé

l’empreinte de ses pieds

L’extrémité de l’arbre où commence l’infini

Et la mer au loin comme la terreur de la nuit

Silence je vous en supplie silence

Il existe un rêve qui passe entre les hommes

Il existe un rêve qui marche entre les hommes et les présages

Nous avons soif d’un endroit sans inquiétudes et sans calculs

Là où le démon de la tempête aura les yeux

fanés et les cheveux court

Silence je te supplie

Regarde passer le navire hypnotisé de mon âme

Trainant une longue barbe d’eau

Regarde cette étoile au fond du ciel

Cette étoile qui s’éloigne avec tous ses marins

 

 

III

 

Il est important de se débarrasser des nombres et de les suivre des yeux

Les regarder prendre leur place chercher l’élévation injuste de la fumée

Ou bien tomber au fond de la mémoire

Je te dis qu’il ne faut pas se laisser enrouler par le vent

Qu’il est nécessaire de frapper à la porte du tourbillon

Tu ne dois jamais fuir à l’approche de l’horreur

Ni de la simple fiancée qui chante la joie de ses artères

Nul abîme ne doit perturber le rire de tes dents héroiques

Nulle haleine ne doit faire de la buée sur le métal de ton âme

Ni ébranler tes constructions internes

Je veux toujours les voir briller avec la même allumette du temps

Par-delà l’aile virile immobilisée à cause de sa blancheur

N’attend pas cette rencontre promise entre les profondeurs de velourséternels

Ilestimportantcouvrir le naufraged’unédredon en laine

Il est important de saluer les oracles de la mer

D’enchainer le paradis avec le feu de notre voix

De rendre notre cœurs à sa boutique

Nous ne voulons pas de répartitions gratuites dans la vie

Il est important de boucher le naufrage avec n’importe quel bouchon

D’oublier le vol des mains désespérées

Il n’y a pas de circonstances atténuantes pour le ciel

Je ne veux pas glisser sur les nuages ni tomber dans des pièges

tendues par l’ennemi qui n’a pas de nom

Que la mort désespérée hurle et qu’elle lance sa semence

Qu’elle vacille entre les pierres de ses abîmes

Qu’elle divise les hommes

Qu’elle divise les hommes dis-je en rangs d’ombre et de lumière

L’insinuation du mystère

L’alternative entre les deux rives à choisir

Même comme ça tu ne me verras pas trembler

Voici le pôle sans fin voici la mer

Voici le naufrage sous un couvercle de métal

Le naufrage est l’assiette du ciel

Tu ne me verras pas trembler

Même au ras du minuit définitif

De ce virginal minuit du tout homme qui nous

attend au bord de nous-même

De ce dernier minuit qui se retourne parfois

la quille à l’air

Tu ne me verras pas trembler

Bien au contraire j’ai mérité les ombres autour de moi

J’ai préparé moi-même le vent qui devra me pousser

Le grand vent solitaire qui veut embrasser le destin

Après le dernier rocher auquel s’accroche la dernière

sirène fatiguée par le poids de sa chevelure sonore

 

Voici le rocher obscur ou le premier feu de signalisation de l’infini

irrésistible qui s’apparente seulement aux yeux du vertige

Voici dressé le rocher ténébreux comme la statue du

destin

Au-delà se trouve la zone sans face ni corps

La zone amère comme le vent après l’éclair

La zone vide là où une plume plane depuis

l’origine du monde

Là où tout s’enterre et se dissout dans l’épaisseur

d’un manteau dérisoire qui recouvre les mendiants cosmiques

Les mendiants dans une agonie millénaire qui se trainent

liés par la loi des hallucinations cherchant une évidence

 

 

 

 

 

 

Vincente Huidobro (Chili, 1893-1948). Père du créationnisme et l’un des auteurs les plus représentatifs de lapoésie latino-américaine du XXèmesiècle. Il voyagetrès vite à Paris où il fera la connaissancedesavant-gardistes. Il se lie d’amitiéavec des artistes de grande renomméetels que Pablo Picasso, Juan Gris et Pierre Reverdy entre autres. De sesrecueils se distinguent: Adán (1916), Le Miroir de l’eau (1916), HorizonCarré (1917), Equatorial (1918), PoèmesArctiques (1918), Altazor (1931), Tremblement de ciel (1931), Voir et Palper (1941), Le Citoyen de l’Oubli (1941) et DerniersPoèmes (1948) Sapoésieexerce un charme particulierauprès du jeunepublic et dansl’actualité reste toujoursl’objetd’études permanentes.

 

 

 

Inglés

Translated by Eliot Weinberger

 

ALTAZOR

 

PREFACE

I was born at the age of 33 on the day Christ died; I was born at the Equinox, under the hydrangeas and the aeroplanes in the heat.

I had the soulful gaze of a pigeon, a tunnel, a sentimental motorcar. I heaved sighs like an acrobat.

My father was blind and his hands were more wonderful than the night.

I love the night, the hat of every day.

The night, the night of day, from one day to the next.

My mother spoke like the dawn, like blimps about to fall. Her hair wasthe color of a flag and her eyes were full of far-off ships.

One day, I gathered up my parachute and said: “Between two swallows and a star.” Here death is coming closer like the earth to a falling balloon.

My mother embroidered abandoned tears on the first rainbows.

And now my parachute drops from dream to dream through the spaces of death.

On the first day I met an unknown bird who said: “If I were a camel I’d know no thirst. What time is it?” It drank the dewdrops in my hair, threw me 3½ glances and went off waving “Goodbye” with its pompous handkerchief.

At around two that afternoon, I met a charming aeroplane, full of fishscales and shells. It was searching for some corner of the sky to take shelter from the rain.

There, far off, all the boats were anchored in the ink of dawn. One by one they came loose from their moorings, dragging pennants of indisputable dawn like the national colors.

As the last ones drifted off, dawn disappeared behind some immoderately swollen waves.

Then I heard the voice of the Creator, who is nameless, who is a simple hollow in space, lovely as a navel.

“I created a great crashing sound and that sound formed the oceans and the ocean waves.

“That sound will be stuck forever to the waves of the sea and the waves of the sea will be stuck forever to that sound, like stamps to a postcard.

“Then I braided a great cord of luminous rays to stitch each day to the next; the days with their original or reconstructed, yet undeniable laws.

“Then I etched the geography of the earth and the lines of the hand.

“Then I drank a little cognac (for hydrographic reasons).

“Then I created the mouth, and the lips of the mouth to confine ambiguous smiles, and the teeth of the mouth to guard against the improprieties that come to our mouths.

“I created the tongue of the mouth which man diverted from its role to make it learn to speak… to her, to her, the beautiful swimmer, forever diverted from her aquatic and purely sensual role.”

My parachute began to dizzyingly drop. Such is the force of the attraction of death, of the open grave.

Better believe it, the tomb has more power than a lover’s eyes. The open tomb with all its charms. And I say it even to you, you whose smile inspires thoughts of the origin of the world.

My parachute caught on a burnt-out star conscientiously continuing its orbit, as if it didn’t know the uselessness of such efforts.

And taking advantage of this well-earned rest, I began to fill the little squares of my chessboard with deep thoughts:

“True poems are fires. Poetry is propagating everywhere, its conquests lit with shivers of pleasure or pain.

“One should write in a language that is not the mother tongue.

“The four cardinal points are three: South and North.

“A poem is something that will be.

“A poem is something that never is, but ought to be.

“A poem is something that never has been, that never can be.

“Flee from the external sublime, if you don’t want to die flattened by the wind.

“If I didn’t do something crazy at least once a year I’d go crazy.”

Grabbing my parachute, I leap from the edge of my speeding star into the stratosphere of the last sigh.

I wheel endlessly over the cliffs of dreams, I wheel through clouds of death.

I meet the Virgin, seated on the rose, who says:

“Look at my hands, as transparent as light bulbs. Do you see the filaments where the blood of my pure light flows?

“Look at my halo. It has a few cracks in it, a proof of my antiquity.

“I am the Virgin, the Virgin without human stain, there’s nothing halfway about me, and I am the captain of the other eleven thousand – who were, infact, excessively restored.

“I speak in a language that fills the heart according to the laws of the communicant clouds.

“I always say goodbye, and stay.

“Love me, my child, for I adore your poetry and I will teach you aerial prowess.

“I have a need for tenderness, kiss my hair, I washed it this morning in clouds of dawn, and now I want to sleep on the mattress of occasional drizzle.

“My glances are a wire on the horizon where swallows rest.

“Love me.”

I got down on my knees in that circular space and the Virgin rose and sat on my parachute.

I slept, and then recited my most beautiful poems.

The flames of my poetry dried the Virgin’s hair. She thanked me and went off, seated on her soft rose.

And here I am, alone, like the little orphan of anonymous shipwrecks.

Oh how beautiful… how beautiful.

I can see mountains, rivers, forests, the sea, boats, flowers, seashells.

I can see night and day and the axis where they meet.

Oh yes I am Altazor, the great poet, without a horse that eats birdseed or warms its throat with moonbeams, with only my little parachute like a parasol over the planets.

From each bead of sweat on my forehead I give birth to stars, which I leave you the task of baptizing like a watered-down bottle of wine.

I can see it all, my mind is forged in the tongues of prophets.

The mountain is the sigh of God, rising in its swelling thermometer till it touches the feet of the beloved.

He who has seen it all, who knows all the secrets without being Walt Whitman, for I’ve never had a beard as white as beautiful nurses and frozen steams.

He who hears in the night the hammers of the counterfeiters of coins, who are only diligent astronomers.

He who drinks the warm glass of knowledge after the flood, obedient to the doves, and who knows the way of weariness, the boiling wake the ships leave behind.

He who knows the storehouses of memories, of beautiful forgottenbseasons.

He, shepherd of aeroplanes, guide to the unmatched poles for mislaid nights and experienced west winds.

His whimpering is a blinking net of unwitnessed aerolites.

The day rises in his heart and he lowers his eyelids to create the night of agricultural rest.

He washes his hands in the glances of God, and combs his hair like the light, like the harvest of those thin grains of satisfied rain.

Shouts wander off like a flock over the hills when the stars sleep after a night of continual labor.

The beautiful hunter faces the cosmic waterhole for heartless birds.

Be sad, like gazelles before the infinite and the meteors, like deserts without mirages.

Until the appearance of a mouth swollen with kisses for the vintage of exile.

Be sad, for she awaits you in a corner of this passing year.

Perhaps she’s at the end of your next song, and she’ll be as beautiful as a free-falling waterfall and rich as the equatorial line.

Be sad, sadder than the rose, that beautiful cage for glances and inexperienced bees.

Life is a parachute voyage and not what you’d like to think it is.

So let’s fall, falling from our heights to our depths, let’s leave the air stained with blood, so that those who breathe it tomorrow will be poisoned.

Inside yourself, outside yourself, you’ll fall from high to low, for that is your fate, your miserable fate. And the greater the height from which you fall, the higher you’ll rebound, the longer you’ll remain in the memory of stone.

We have leapt from the belly of our mother, or from the edge of a star, and we’re falling.

Oh my parachute, the only perfumed rose of the stratosphere, the rose of death, cascading through the stars of death.

Have you heard it? The sinister sound of closed chests.

Open the gate of your soul and get out and breathe. With a sigh you can open the gate it took a hurricane to close.

Here’s your parachute, Man, wonderful as vertigo.

Here’s your parachute, Poet, wonderful as the charms of the chasm.

Here’s your parachute, Magician, which one word of yours can transform into a parashoot, wonderful as the lighting bolt that tries to blind the creator.

What are you waiting for?

But here is the secret of the Gloom that forgot how to smile.

The parachute waits tied to the gate like the endlessly runaway horse.

 

 

 

 

 

 

Vicente Huidobro (Chile, 1893 – 1948). Father of Creationism and one of the most important authors of the Hispano-American poetry of the 20th century. Very early he traveled to Paris where he came into contact with the vanguards. He became friends with artists such as Pablo Picasso, Juan Gris, Pierre Reverdy, among others. His poems include: Adán (Adam, 1916), El espejo de agua (The mirror of water, 1916), Horizonte cuadrado (Square horizon, 1917), Ecuatorial (Equatorial, 1918), Poemasárticos (Arctic poems, 1918), Altazor (1931), Temblor de cielo (Trembling of heaven, 1931), Ver y palpar (See and palpate, 1941), El ciudadano del olvido (The citizen of oblivion, 1941) and Últimospoemas (Last poems, 1948). His poetry has aroused a special attraction among young audiences and has been permanently studied.

 

 

 

 

Italiano

 

Traduzione di Gianni Darconza 

 

 LA POESIA È UN ATTENTATO CELESTE

 

Io sono assente però in fondo a questa assenza

C’è l’attesa di me stesso

E questa attesa è un altro modo di presenza

L’attesa del mio ritorno

Io sono in altri oggetti

Vado in viaggio dando un po’ della mia vita

A certi alberi e a certe pietre

Che mi hanno atteso per molti anni

Si sono stancati d’aspettarmi e si sono seduti

 

Io sono e non sono

Sono assente e sono presente in stato d’attesa

Loro vorrebbero il mio linguaggio per esprimersi

E io vorrei il loro per esprimerli

Da qui l’equivoco l’atroce equivoco

 

Angoscioso lamentevole

Mi addentro in queste piante

Lascio i miei vestiti

Mi cadono le carni

E il mio scheletro si riveste di cortecce

 

Mi faccio albero

Quante volte mi sono trasformato in altre cose…

È doloroso e pieno di tenerezza

 

Potrei lanciare un grido ma si spaventerebbe la transustanziazione

Bisogna mantenere il silenzio Aspettare in silenzio

 

 

 

 

ERAVAMO GLI ELETTI DEL SOLE

 

Eravamo gli eletti del sole

E non ci siamo resi conto

Siamo stati gli eletti della più alta stella

E non abbiamo saputo rispondere al suo regalo

Angoscia d’impotenza

L’acqua si amava

La terra ci amava

Le selve erano nostre

L’estasi era il nostro stesso spazio

Il tuo sguardo era l’universo faccia a faccia

La tua bellezza era il suono dell’aurora

La primavera amata dagli alberi

Adesso siamo una tristezza contagiosa

Una morte prima del tempo

L’anima che non sa in che posto si trova

L’inverno nelle ossa senza un lampo

E tutto questo perché non hai saputo che cos’è l’eternità

E non hai compreso l’anima della mia anima nella sua nave di tenebre

Nel suo trono di aquila ferita d’infinito

 

 

 

MONUMENTO AL MARE

 

Pace sulla costellazione cantante delle acque

Scontrate come gli ombri della moltitudine

Pace nel mare alle onde di buona volontà

Pace sulla lapide dei naufragi

Pace sui tamburi dell’orgoglio e le pupille tenebrose

E se io sono il traduttore delle onde

Pace anche su di me

 

Ecco qui lo stampo pieno di frantumi del destino

Lo stampo della vendetta

Con le sue frasi iraconde che si staccano dalle labbra

Ecco qui lo stampo pieno di grazia

Quando sei dolce e stai lì ipnotizzato dalle stelle

 

Ecco qui la morte inesauribile dal principio del mondo

Perché un giorno nessuno se ne andrà a spasso per il tempo

Nessuno lungo il tempo lastricato di pianeti defunti

 

Questo è il mare

Il mare con le sue onde proprie

Con i suoi propri sensi

Il mare che cerca di rompere le sue catene

Che vuole imitare l’eternità

Che vuole essere polmone o nebbiolina di uccelli in pena

O il giardino degli astri che pesano nel cielo

Sulle tenebre che trasciniamo

O che forse ci trascinano

Quando volano di repente tutte le colombe della luna

E si fa più oscuro dei crocevia della morte

 

Il mare entra nel carro funebre della notte

E si allontana verso il mistero dei suoi paraggi profondi

S’ode appena il rumore delle ruote

E l’ala degli astri che soffrono nel cielo

Questo è il mare

Che saluta laggiù lontano l’eternità

Che saluta gli astri dimenticati

E le stelle conosciute

 

Questo è il mare che si desta come il pianto di un bambino

Il mare che apre gli occhi

E cerca il sole con le piccole mani tremanti

Il mare che spinge le onde

Le sue onde che mescolano i destini

 

Alzati e saluta l’amore degli uomini

 

Ascolta le nostre risa e anche il nostro pianto

Ascolta i passi di milioni di schiavi

Ascolta la protesta interminabile

Di quell’angoscia che si chiama uomo

Ascolta il dolore millenario dei petti di carne

E la speranza che rinasce dalle proprie ceneri ogni giorno

 

Anche noi ti ascoltiamo

Rimuginando tanti astri catturati nelle tue reti

Rimuginando eternamente i secoli naufragati

Anche noi ti ascoltiamo

Quando ti rigiri nel tuo letto di dolore

Quando i tuoi gladiatori si battono tra di loro

 

Quando la tua collera fa esplodere i meridiani

Oppure quando ti agiti come un gran mercato in festa

Oppure quando maledici gli uomini

O fingi di dormire

Tremante nella tua grande ragnatela in attesa della preda

 

Piangi senza sapere perché piangi

E noi piangiamo credendo di sapere perché piangiamo

Soffri, soffri come soffrono gli uomini

Che tu possa ascoltare digrignare i tuoi denti nella notte

E rigirarti nel tuo letto

Che l’insonnio non ti lasci placare le tue sofferenze

Che i bambini prendano a sassate le tue finestre

Che ti strappino i capelli

Tossisci, tossisci, fai esplodere in sangue i tuoi polmoni

Che le tue molle si arrugginiscano

E tu venga calpestato come cespuglio di tomba

 

Però sono vagabondo e ho paura che mi ascolti

Ho paura delle tue vendette

Dimentica le mie maledizioni e cantiamo insieme stanotte

Fatti uomo ti dico come io a volte mi faccio mare

Dimentica i presagi funesti

Dimentica l’esplosione delle mie praterie

Io ti tendo le mani come fiori

Facciamo la pace ti dico

Tu sei il più potente

Che io stringa le tue mani nelle mie

E sia la pace tra di noi

 

Vicino al mio cuore ti sento

Quando ascolto il gemito dei tuoi violini

Quando stai lì disteso come il pianto di un bambino

Quando sei pensieroso di fronte al cielo

Quando sei dolorante tra le tue lenzuola

Quando ti sento piangere dietro la mia finestra

Quando piangiamo senza ragione come piangi tu

 

Ecco qui il mare

Il mare dove viene a scontrarsi l’odore delle città

Col suo grembo pieno di barche e pesci e altre cose allegre

Quelle barche che pescano sulla riva del cielo

Quei pesci che ascoltano ogni raggio di luce

Quelle alghe con sonni secolari

E quell’onda che canta meglio delle altre

 

Ecco qui il mare

Il mare che si distende e si afferra alle sue rive

Il mare che avvolge le stelle nelle sue onde

Il mare con la sua pelle martirizzata

E i sussulti delle sue vene

Con i suoi giorni di pace e le sue notti di isteria

 

E dall’altro parte che c’è dall’altra parte

Che nascondi mare dall’altra parte

L’inizio della vita lungo come un serpente

O l’inizio della morte più profonda di te stesso

E più alta di tutti i monti

 

Che c’è dall’altra parte

 

La millenaria volontà di fare una forma e un ritmo

O il turbine eterno dei petali troncati

 

Ecco lì il mare

Il mare spalancato

Ecco lì il mare spezzato all’improvviso

Affinché l’occhio veda l’inizio del mondo

Ecco lì il mare

Da un’onda all’altra c’ è il tempo della vita

Dalle sue onde al mio occhio c’è la distanza della morte

 

 

 

 

VicenteHuidobro (Cile, 1893 ‑ 1948). Padre del creazionismo e uno degli autori più rilevanti della poesia ispanoamericana del secolo XX. Appartenente a una delle famiglie più ricche e aristocratiche del Cile, ha la possibilità di viaggiare di frequente tra le due sponde dell’Atlantico. Giunge presto a Parigi dove entra in contatto con le avanguardie. Stringe amicizia con artisti del calibro di Pablo Picasso, Juan Gris, Pierre Reverdy, tra gli altri. Tra i suoilibri si segnalano: Adán (1916), El espejo de agua (1916), Horizonte cuadrado (1917), Ecuatorial (1918), Poemas árticos (1918), Temblor de cielo (1931), Altazoro el viaje en paracaídas (1931), Ver y palpar (1941), El ciudadano del olvido (1941) e Últimos poemas (1948). La sua opera ha esercitato particolare attrazione sul pubblico giovane ed è stata costantemente oggetto di studio.

 

 

 

 

Portugués

A tradutora: Nina Rizzi

 

NADADOR

 

Esta noite

O céutão negro

Que os cabelossãosó fumo

 

Háemmeus dedos segredos de alquimia

 

Apertandoumbotão

Todos os astros se iluminam

 

E você

que se afasta cantando entre delfins

 

E planetas vivos

 

Nadador pensativo

De todos os jardins

 

Uma tarde traziaemsuasmãos

Centenas de astros anões

 

Nadador pensativo

Entre a névoa vespertina

 

À noite

A lua enferma morreu no hospital

 

 

 

 

CIGARRO

 

Aquilo que cai das árvores

É a noite

 

O mar emmim copo de cachaça

E sobre o mar

teuchapéu vertical

 

PARA ONDE VAI ETERNAMENTE

 

Alguémmorreuemteujardim

 

A andorinha indiferente

Dorme sobre umacorda de violino

 

Eu tiveemminhasmãos

tudo o que partia

 

E esta luatãoferida

Indecisa entre o mar e os jardins

 

Perfumando os anos

Umanuvemmontavaemmeuslábios

 

E meu cigarro

É a única luz dos confins

 

 

 

 

ETERNIDADE

 

Palavraspontiagudas no azul do vento

E o enxame que brilha e que não canta

 

A NOITE EM TUA GARGANTA

 

Será que Deus morre

Entre almofadõesbrancos

Sob a água gasta emsuas pálpebras

 

O ar triangular

para pegar estrelas

 

E sobre a vegetação nativa daquele mar

 

Buscar tuas pegadas

Semolharpratrás

 

 

 

 

EM MARCHA

 

Cantando se afastavam

sobre o meridiano

 

EM CADA MÃO UM NINHO

 

O vagabundo cotidiano

percorreu todo o século

 

Dos anospassados

Fizeramseus colares

Tãocompridos que cruzavam os mares

 

Iam buscar o primeirodia

 

A sombra daquela que ficou perdida

Sobre a estrada a encontreidormindo

 

ADEUS                                              ADEUS

 

Outro planeta ocupa o lugar do sol

 

 

 

 

BAY RUM

 

Emteuscabelosdormiu

Aquelacotovia que voou cantando

 

QUAL ERA MEU CAMINHO

 

Nunca podereiencontrá-lo

 

As cascatas

Pequenascabeleiras na costa

 

Suasestrelasresvalam e nãobrilham

 

O céudespovoado

 

Somentesuacabeleira sideral

Solta sobre a tarde

 

Aquelas chamas que ardem

Oraçãoou canto

 

Me dá sua mão

 

Vamos                         Vamos

 

Temumpouco de música no musgo

 

Fugir

para o último bosque

E à noite

 

Despejar tuacabeleira sobre o mundo

 

 

 

WAGON-LIT

 

Caminho de outrasconstelações

O trem que se desprende dos astros

Vai cortando a noite

 

Meussegredos a beira da almofada

 

Esta cela errante

atravessa os anos

E contra os muros se romperamminhas asas

 

No ar das mãos

 

Você e eu

 

Nunca maishaverá sol

 

Mas seguiremos a jornada

 

Vales

Selvas

Montanhas

 

O inverno

Vemdaquelecemitério

 

 

 

 

 

N.T.: Os poemas acima integram o livro POEMAS ARTÍCOS, escrito em Paris entre 1917 e abril 1918 epublicado em agosto do mesmo ano pela Pueyo de Madrid; este ano será publicada pela Martelo Editorial a tradução integral do volume, juntamente com ECUATORIAL/ EQUATORIAL, em comemoraçãoaos 100 anos das obras.

 

 

Vicente Huidobro (Chile, 1893 – 1948). Pai do Criacionismo e um dos autores mais relevantes da poesia hispanoamericana do século XX. Ainda jovem viajou para Paris, onde entrou em contato com as vanguardas artísticas. Estabeleceu amizade com artista como Pablo Picasso, Juan Gris, Pierre Reverdy, entre outros. De seus livros de poemas destacamos: Adán (1916), El espejo de agua (1916), Horizonte cuadrado (1917), Ecuatorial (1918), Poemas árticos (1918), Altazor (1931), Temblor de cielo (1931), Ver y palpar (1941), El ciudadano del olvido (1941) y Últimos poemas (1948). Sua poesia tem despertado especial interesse entre o público jovem, além de ser permanentemente objeto de estudos.